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LE SECRET PROFESSIONNEL DU PROFESSIONNEL DU CHIFFRE

Présentation des faits (1)

Un cabinet d'expertises comptables et fiscales fait l'objet d'un contrôle fiscal par l'administration de la Fiscalité des Entreprises et des Revenus (A.F.E.R.).

Lors de ce contrôle, les fonctionnaires de l'administration demandent aux experts-comptables de leur remettre les « dossiers clients » afin de pouvoir consulter les contrats et les documents reprenant les prestations effectuées (c'est-à-dire les time-sheets).

Les experts-comptables refusent et invoquent le secret professionnel. L'A.F.E.R. saisit alors l'Institut des experts-comptables, lequel lui répond que les contrats et time-sheets demandés sont effectivement couverts par le secret professionnel et ne peuvent dès lors pas lui être communiqués.

L'A.F.E.R rejette le point de vue de l'Institut des experts-comptables et réclame au cabinet d'expertises comptables une amende pour non-communication de documents.

Le cabinet conteste cette amende devant le tribunal de première instance, lequel dit pour droit que les documents litigieux sont bien couverts par le secret professionnel et que le cabinet n'est donc pas redevable de l'amende.

Décision de la Cour d'appel de Bruxelles

La Cour énonce que pour déterminer si un fait ou une pièce est couverte ou non par le secret professionnel, il faut, mais il suffit, de rechercher si la personne a pris connaissance de ce fait ou a recueilli cette pièce en sa qualité de professionnel ou non.

Le secret professionnel ne peut toutefois pas avoir pour effet de rendre impossible un contrôle de la situation fiscale propre du dépositaire du secret.

S'agissant des contrats conclus entre les experts-comptables et leur clients, ceux-ci sont indiscutablement couverts par le secret professionnel puisqu'ils reprennent les attentes du client quant aux prestations à fournir, le but à poursuivre par l'expert-comptable, les moyens que ce dernier va déployer à cet effet et, par conséquent, la stratégie à suivre notamment au niveau comptable et fiscal

Quant aux time-sheets, dès lors que ceux-ci sont de nature à permettre de calculer le temps consacré à chaque client en vue de lui réclamer le prix des services qui lui sont rendus, empêcher l'administration de les consulter revient à la contraindre à accepter telles quelles les notes d'honoraires établies.

Il n'est toutefois pas exclu que dans certains cas des renseignements confidentiels de nature à dévoiler la stratégie fiscale du client figurent bel et bien sur les time-sheets et doivent être couverts par le secret professionnel.

En conséquence, il appartient au professionnel du chiffre de faire le tri et de communiquer à l'administration fiscale les time-sheets qui ne sont pas couverts par son secret professionnel, sans qu'il ne puisse de prime abord refuser toute communication à l'administration.

Bon à savoir

L'article 458 du Code pénal punit d'un emprisonnement de huit jours à six mois et d'une amende de 100 à 500 euros, les personnes dépositaires, par état ou par profession, des secrets qu'on leur confie et qui les auront révélés (2).

Cette disposition s'applique aux experts-comptables externes, aux conseils fiscaux externes, aux comptables externes, aux comptables-fiscalistes agréés, aux stagiaires et aux personnes dont ils répondent dès lors que ceux-ci sont amenés à prendre connaissance de certains faits ou certaines pièces dans l'exercice de leur profession (3).

Ce secret n'existe cependant qu'au profit du client du comptable et ne peut être invoqué par ce dernier par rapport à sa propre situation fiscale (4). Il en découle que les dispositions impératives du secret professionnel ne peuvent rendre impossible un contrôle de la situation fiscale propre du confident. En cas de contrôle par l'administration fiscale, le comptable a l'obligation de faire le tri entre les différents documents pour ne communiquer à l'administration que ceux qui ne sont pas couverts par le secret professionnel (5).

L'article 458 du Code pénal connait toutefois deux exceptions, le témoignage et l'obligation légale de dévoiler les informations couvertes par le secret professionnel.

A cet égard, la loi du 27 mai 2013 a inséré à l'article 10 de la loi du 31 janvier 2009 relative à la continuité des entreprises, un nouvel alinéa qui prévoit que l'expert-comptable externe, le conseil fiscal externe, le comptable agréé externe, le comptable-fiscaliste agréé externe et le réviseur d'entreprises qui constatent dans l'exercice de leur mission des faits graves et concordants susceptibles de compromettre la continuité de l'entreprise du débiteur doivent en informer de manière circonstanciée ce dernier (6).

Si dans un délai d'un mois à dater de l'information qui lui a été donnée, le débiteur ne prend pas les mesures nécessaires pour assurer la continuité de l'entreprise pendant une période minimale de douze mois, l'expert-comptable externe, le conseil fiscal externe ou le réviseur d'entreprises peuvent en informer par écrit le président du tribunal de commerce.

Il ne s'agit toutefois pas d'une obligation, la loi leur laisse seulement la possibilité de le faire et ce, sans risquer de sanction pénale liée à la violation du secret (7)

. Dans cette hypothèse, le professionnel sera donc délié du secret professionnel.

Ndlr. : la présente analyse juridique vaut sous toute réserve généralement quelconque.

_______________

1. Bruxelles, 30 novembre 2006, J.D.F., 2007/9-10, p. 308.

2. Article 458 Code pénal.

3. Cass., 22 février 2011, Pas., 2011/2, p. 612.

4. Bruxelles, 30 novembre 2006, J.D.F., 2007/9-10, p. 308.

5. Ibidem.

6. Article 10 de la loi du 31 janvier 2009 relative à la continuité des entreprises.

7. L. Achtari, « Une nouvelle menace pour le secret professionnel des comptables », Sem. Fisc., 2013/32, p. 5.

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