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Les retenues sur la rémunération du travailleur


En vertu de l'article 3 bis de la loi du 12 avril 1965 concernant la protection de la rémunération des travailleurs, le travailleur a droit au paiement par l'employeur de la rémunération qui lui est due (1.)

Afin de garantir au travailleur la libre disposition de sa rémunération, l'article 23 de la loi énumère de façon limitative les sommes qui peuvent être retenues sur la rémunération brute du travailleur. Cette disposition étant d'ordre public, le contrat de travail ou le règlement de travail ne peuvent pas prévoir la retenue d'autres sommes que celles prévues par l'article 23 (2).

L'employeur ne peut donc pas retenir, sur la rémunération du travailleur, les dettes que ce dernier lui doit en invoquant la compensation puisque celle-ci est interdite en droit du travail, sauf dans les cas prévus par l'article 23.

Les retenues autorisées par l'article 23 sont au nombre de cinq. Cette énumération est d'ailleurs limitative (3).

Premièrement, il s'agit des retenues effectuées en application de la législation fiscale, de la législation relative à la sécurité sociale et en application des conventions particulières ou collectives concernant les avantages complémentaires de sécurité sociale.

Les cotisations sociales qui peuvent être imputées sur la rémunération brute du travailleur sont les cotisations sociales ordinaires et spéciales dues par le travailleur à l'Office national de sécurité sociale (4). Ces cotisations sont retenues directement par l'employeur sur la rémunération brute du travailleur.

Les retenues fiscales qui peuvent être imputées sur la rémunération du travailleur sont, quant à elles, celles prévues principalement par le Code des impôts sur les revenus (CIR) 1992 mais également par diverses dispositions légales. Il s'agit du précompte professionnel. Ce dernier est calculé sur la rémunération imposable, c'est-à-dire le montant de la rémunération qui subsiste après déduction des cotisations sociales personnelles à charge du travailleur et à laquelle il faut ajouter les éléments de rémunération qui ne sont pas soumis aux cotisations sociales ainsi que l'évaluation en espèce des avantages en nature (5).

Enfin, les retenues effectuées en application de conventions particulières ou collectives vise notamment la quote-part personnelle payée par le travailleur afin de bénéficier d'un avantage complémentaire à la sécurité sociale tel que l'assurance-groupe ou l'assurance hospitalisation (6).

Deuxièmement, l'article 23 de la loi du 12 avril 1965 prévoit qu'en cas de manquement contractuel du travailleur, l'employeur peut, à titre de sanction financière, retenir sur la rémunération de son travailleur une amende. Cette sanction ne peut toutefois être appliquée que si elle est prévue dans le règlement de travail et si elle respecte certaines conditions (7).

L'employeur peut également retenir les indemnités et dommages et intérêts dus par le travailleur à son employeur.

A cet égard, on rappelle que l'article 18 de la loi du 3 juillet 1978 relative au contrat de travail limite la responsabilité civile du travailleur, lequel ne répond que de son dol, de sa faute lourde et de la faute légère si celle-ci a un caractère habituel (8).

Il en résulte que l'employeur ne peut effectuer une retenue sur la rémunération du travailleur que pour autant que le travailleur ait commis un dol, une faute lourde ou une faute légère habituelle ; que l'existence du dommage ait été établie et ne soit plus contestée ; que la responsabilité du travailleur ait été établie par convention ou par jugement ; et que le dommage ait été chiffré, soit par convention, soit par jugement (9).

En outre, l'employeur peut retenir les avances en argent (10) qu'il a antérieurement consenties à son travailleur. Constitue notamment une avance, le paiement destiné à rémunérer des prestations futures mais non encore accomplies au moment du paiement (11).

Enfin, l'employeur peut retenir sur la rémunération les sommes dues en raison d'un cautionnement destiné à garantir l'exécution des obligations du travailleur. Les parties peuvent, en effet, prévoir que le travailleur doit mettre en dépôt une somme d'argent à titre de caution afin de garantir la bonne exécution de ses obligations contractuelles (12). En pratique, il est très rarement recouru au cautionnement.

Les retenues que l'employeur peut effectuer sur la rémunération du travailleur sont cependant plafonnées. En effet, la loi prévoit que le total des retenues ne peut excéder 1/5ème de la rémunération nette du travailleur. Cette limitation ne concerne toutefois pas les retenues sociales, fiscales et celles effectuées en vertu de conventions particulières ou collectives (13).

En outre la limitation n'est pas non plus applicable lorsque le travailleur est redevable de dommages et intérêts en raison d'un dol qu'il a commis. Par contre, la simple faute lourde ou la faute légère habituelle ne permettent pas des retenues sur rémunération supérieure à la limite de 1/5ème (14).

Enfin, la limitation ne s'applique pas lorsque le travailleur a mis volontairement fin à son engagement avant la liquidation des indemnités et dommages et intérêts dont il redevable à l'employeur (15).

L'employeur est également tenu de respecter les limites fixées par l'article 1409 du Code judiciaire en matière de quotités cessibles ou saisissables (16).

Par ailleurs, l'employeur, son préposé ou son mandataire qui effectue une retenue en contrariété avec l'article 23 de la loi du 12 avril 1965 est puni d'une sanction de niveau 2 en vertu de l'article 163 du Code de droit pénal social (17).

Précisons également, qu'outre les cas précités, l'employeur peut être contraint de retenir une partie de la rémunération nette du travailleur dans le cadre de saisies ou de cessions qui lui sont valablement notifiées par les créanciers du travailleur.

Par ailleurs, puisque les retenues interviennent dans le cadre du paiement de la rémunération due, dès que le paiement est effectué, le travailleur peut, le cas échéant, effectuer un versement en faveur de son employeur, sans que l'article 23 ne trouve à s'appliquer (18). De même, en l'absence de prestations, l'employeur n'est pas redevable de la rémunération, puisque le paiement de la rémunération est une obligation spécifique de l'employeur conditionnée par la prestation du travail du salarié. Il ne s'agit donc pas dans ce cas d'une retenue au sens de l'article 23.

_______________________

1. Article 3 bis de la loi du 12 avril 1965 concernant la protection de la rémunération des travailleurs.

2. V. Vannes, Le contrat de travail : Aspects théoriques et pratiques, Bruylant, Bruxelles, 2003, p. 429.

3. Cass., 14 mars 1988, Pas., p. 845.

4. A. Degros, « Les retenues autorisées sur la rémunération », Guide social permanant, Kluwer, Waterloo, 2012, P. II - L. II, T. II, C. III – 80.

5. Voy. M. Morsa, La notion de rémunération. Aspects du droit de la sécurité sociale et du droit fiscal, Larcier, Bruxelles, 2012.

6. Cour. trav. Liège, 18 décembre 2009, NjW, 2010, p. 67.

7. Articles 6, 6° et 16 à 19 de la loi du 8 avril 1965 instituant les règlements de travail.

8. Article 18 de la loi du 3 juillet 1978 relative aux contrats de travail.

9. M. Simon, « Retenues sur la rémunération », J.T.T. -, 2014/ 1189, p.229.

10. C. trav. Mons,6 mai 2011, R.G. no 2009/AM/21918.

11. C. trav. Mons, 18 janvier 2005, J.T.T., 2005, p. 371.

12. Article 23 de la loi du 3 juillet 1978 relative aux contrats de travail.

13. Article 23 al. 2 de la loi du 12 avril 1965 concernant la protection de la rémunération des travailleurs.

14. Cass., 7 mars 1988, Pas., p. 812.

15. Article 23 al. 2 de la loi du 12 avril 1965 concernant la protection de la rémunération des travailleurs.

16. Trib. trav. Bruxelles, 8 mai 2003, Chr. D.S., 2004, p. 565.

17. Article 163 Code de droit pénal social.

18. V. Vannes, Le contrat de travail : aspects théoriques et pratiques, 4e éd., Bruylant, Bruxelles, 2013, p. 520.

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